Jeux de mains...
"Corta". C'est tout ce qu'elle dit. Je ne l'ai jamais vue ici. Elle est seule, elle n'a l'air d'attendre personne. Les autres parlent, racontent, avalent des bouffées, planent, rient, font leur vie. Sordan a les yeux qui luisent jusqu'au bout de la salle, il s'engoutte depuis des heures, il tremble d'ailleurs.
Elle, elle ne dit rien, elle me regarde. Calme dans la fumée. Comme si elle avait des heures, comme si elle n'entendait pas la musique, comme si rien ne l'intéressait. Sauf moi. Elle se lève. "Corta. Et toi?"
"Merine"
Et là, elle plante ses yeux dans les miens et pose sa main sur la mienne. Comme ça. Dans les vapeurs, au milieu du cercle. Tout le monde nous regarde mais je ne retire pas mes doigts. Je n'ose pas. Je ne veux pas. Elle se lève, m'emmène, main dans la main, au milieu de la foule. Un gars laisse tomber ses gouttes. Sordan m'appelle. Je n'écoute pas. J'ai ma main dans la sienne, je regarde par terre, la sortie est à des kilomètres, je sens qu'on me fixe, j'ai chaud, je me laisse guider. On sort, il fait frais.
Elle lâche mes doigts. Je respire. En même temps j'aimerais qu'elle les reprenne, je ne sais plus très bien. Je sens encore sa chaleur sous mon gant, sa poigne ferme.
Elle me reprend. Dans le noir je suis rouge mais je m'abandonne. Elle remonte jusqu'aux poignets de mon gant. J'ai envie de m'enfuir et de rester. Je sens un index qui se glisse sous le tissu, qui touche ma peau. Et sa peau, à elle. Elle est dégantée. C'est doux, élastique, ferme.
Corta empoigne les bords du gant et le tire. Passe à l'autre main, arrache presque le vêtement. D'un coup, je suis mains nues. Toute habillée mais peau offerte. Je sens le froid du soir, la chair de poule, le choc de son contact, d'une autre main que la mienne sur mes doigts. Tout est nouveau. Elle parcourt le dos de la pulpe de l'index, avec des mouvements ronds à la fois insupportables et délicieux. Puis, d'un coup, elle retourne mes poignets et me caresse les paume à pleins pouces. Sa peau est ferme et élastique, ses doigts déliés, comme une pianiste. Elle fait vibrer chacun de mes pores, c'est comme un monde qui s'ouvre, je réagis, moi aussi, je la touche, je la touche au plus près, au plus intime.
Ça a duré 5 minutes. Elle a embrassé chaque phalange. Puis elle est partie. Voilà, c'était ma première fois.
- "Une belle première fois, dis."
- "Oui."
- "Tu l'as revue?"
- "Jamais. J'ai cru la croiser mais. non."
- "Donne-moi tes doigts, encore."
- "Ça t'excite, mes vieilles histoires?"
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